Les fondements du syndicat des couteliers Corses
U Sindicatu di i Cultellaghji Corsi
Avec plus de dix ans d’existence, le syndicat, composé de couteliers qui habitent et travaillent en Corse à l’année, s’est beaucoup engagé de manière constructive et pour le bien commun, à travers la formation, la communication, les aides à l’investissement, l’entraide, les démonstrations, et la participation aux foires et salons, en corse ou ailleurs.
Notre démarche consiste à soutenir et promouvoir les artisans corses, tout en valorisant notre patrimoine et notre identité. Pour adhérer, il n’y a ni barrières techniques, ni sélection sur le mode de production, car tous les choix sont respectables, à condition d’être assumés.
Et assumer, c’est commencer par cultiver la transparence, à travers une traçabilité sans faille.
C’est primordial, si on veut créer de la confiance et construire l’avenir.
L’objectif n’est pas de diaboliser ou de culpabiliser ceux qui font appel à la sous traitance, mais cette question doit être abordée, sereinement, sans tabou, car elle souligne simplement un besoin de clarté exprimé par la majorité des professionnels et de la clientèle.
L’héritage « U Riacquistu »
Notre parcours s’inscrit dans la continuité du renouveau impulsé par les artisans corses des années 70/80, car cette période a été décisive.
En ne basculant pas dans la facilité, à travers le simple assemblage de produits industriels standardisés et un esprit mercantile guidé par le mirage du tourisme de masse, l’ensemble des artisans d’art ont su préserver la qualité d’un travail artisanal, inspiré par nos anciens.
Cet esprit militant, cette volonté de travailler en conscience, afin de respecter et de maintenir l’authenticité de notre identité collective a été primordiale.
À l’époque, pour ces artisans majoritairement impliqués dans le mouvement du riacquistu, c’était une autre façon de faire de la politique et de défendre son pays, concrètement, à travers son travail.
Ça n’est pas de l’archaïsme, ni un refus de modernité. Ce qui pourrait évoquer un repli sur soi relève plutôt d’une quête d’harmonie avec les us et les coutumes d’un peuple soucieux de préserver ses spécificités. Une volonté de ne pas disparaître en tant que composante de la diversité humaine, dans le broyeur de l’uniformité.
Durant cette période, l’équilibre entre le respect des traditions et le renouveau s’est fait naturellement, grâce à l’imprégnation d’une culture encore assez riche pour engendrer la créativité et la diversité, et assez vivace pour ne pas se crisper ou se figer.
Une identité qui sans se perdre ni se renier, a inspiré un artisanat dynamique, loin de l’image d’une carte postale poussiéreuse.
Dans un cycle vertueux, la tradition a nourri l’identité, et vice versa. C’est cela l’évolution, et sûrement pas oublier d’où l’on vient, en tournant le dos à ce que l’on est.
Cette situation, à une époque charnière, a permis à chacun d’espérer vivre dignement d’un métier-passion, sans se résigner à être de simples faire-valoir économiques, des figurants au sein d’un immense parc d’attraction folklorique.
Nous avons hérité de ce travail qui a contribué à diffuser une image riche en contexte et positive du couteau corse. C’est un devoir de prolonger cet héritage, et de l’améliorer pour le transmettre aux générations suivantes, comme un capital qu’il ne faut pas dénaturer.
Pour cela, le syndicat privilégie l’esprit collectif et le long terme, face au profit immédiat et personnel.
C’est le principe de notre label
Face aux stratégies marketing très agressives des fabricants étrangers et des distributeurs de contrefaçons, nous avons voulu réagir positivement, et démontrer que le travail est plus efficace que les complaintes et les critiques stériles.
L’exemple des AOC, IGP, etc, particulièrement dans le monde viticole, a permis d’ôter le moindre doute au derniers sceptiques. La recherche de l’excellence, la formation, l’investissement dans du matériel de qualité, les échanges avec d’autres régions, le respect du biotope et du territoire, et surtout, les cépages traditionnels endémiques!… ce choix, courageux en son temps, est aujourd’hui couronné par le succès.
Et c’est le seul moyen de valoriser l’ensemble d’une filière, au bénéfice de tous les artisans, y compris d’ailleurs ceux qui n’y adhèrent pas…
La tradition d’aujourd’hui, ce sont les siècles d’évolution passés. Rien de figé, mais une continuité à travers le temps, et un équilibre respecté.
Et ce qui pourrait être interprété comme une démarche passéiste est en fait complètement tournée vers l’avenir, lorsqu’on se penche sur les désirs profonds de la majorité des consommateurs.
L’authenticité, la transparence, la qualité, l’éthique, les achats responsables et durables, les circuits courts, la recherche de repères à travers les traditions, le respect des identités et des terroirs, sont autant de priorités exprimées par des clients de plus en plus intéressés, informés, sensibilisés, et acteurs de leur mode de consommation, … donc exigeants.
Ce constat, en phase avec nos choix philosophiques et stratégiques, nous permet d’envisager l’avenir sereinement.
Pourtant, le chemin a été long avant de parvenir à créer un consensus autour d’un édifice commun.
Il a fallu de la ténacité, de la bienveillance, de la sincérité, et beaucoup d’investissement personnel à tous les bénévoles qui font partie de l’aventure, et je les en remercie profondément.
Après plus de dix ans de travail nous pouvons considérer que la démarche n’était pas inutile, malgré le temps passé au détriment des activités professionnelles, personnelles et familiales de chacun.
Aujourd’hui, nous sommes heureux de constater que la majorité des couteliers corses travaille en toute transparence, et chacun du mieux qu’il peut, quelque soit son niveau.
Car faire de son mieux, c’est respecter l’autre et se respecter soi, c’est être fier de son travail, c’est être passionné, et par conséquent, c’est peut être aussi une part du bonheur que chacun souhaite, et espère vivre à travers son métier.
Cela devrait être évident, mais nous savons que la réalité n’est pas aussi simple.
En Corse comme dans beaucoup d’endroits, les producteurs et artisans qui travaillent avec éthique ont beaucoup de mal à se démarquer du tout venant et des opportunistes de tout poil.
Une des raisons vient du fait que le tourisme apporte une clientèle importante en nombre et sans cesse renouvelée, qui ne demande pas d’effort de fidélisation. Du coup, la tentation de privilégier la quantité est grande, au détriment de la qualité et de la transparence. C’est un constat objectif et sans parti pris qu’il ne faut pas ignorer dans la recherche de solutions d’avenir pour notre société.
En ce qui nous concerne, notre objectif vise à encourager la qualité et la production locale grâce à un signe distinctif, le poinçon du label qui représente la tête de mouflon et la fougère, véritables icônes de la Corse.
C’est un travail qui n’est jamais terminé, puisque toujours perfectible, mais ce qui existe donne déjà une certaine visibilité et permet de tirer l’ensemble de la profession vers le haut, tout en mettant nos traditions à l’honneur.
Comme le verre qui peut être vu à moitié plein, soyons contents et fiers de ce que nous avons, au lieu de pleurer ce que l’on n’a pas.
Voici les deux principaux outils que nous avons élaboré, sans esprit partisan, et sans volonté de régenter la profession: